Séminaire inter-laboratoires CECILLE-STL "TRAIL : TRAnslation In Lille"

Séminaire
Univ.Lille - Salle B1.661 Campus Pont-de-Bois (bât. B)- Villeneuve d'Ascq

Séminaire TRAIL | TRAnslation In Lille

Cinquième séance du séminaire TRAIL (TRanslation In Lille), séminaire inter-laboratoire STL-CECILLE sur les questions de traduction et de traductologie, qui aura lieu ce vendredi 10 mars de 12h30 à 14h. 

La séance pourra être suivie en présentiel (salle B1.661 Corbin au laboratoire STL de l'Université de Lille) ou en ligne.

Interviendront successivement :

· Valentin Decloquement (STL) : « Vers une traduction littéraire en langue française de la Vie d’Apollonios de Tyane de Philostrate (Φιλοστράτου Εἰς τὸν Τυανέα Ἀπολλώνιον) »
Dans cette communication, je présenterai ma traduction française, bientôt achevée, de la Vie d’Apollonios de Tyane de Philostrate. Ce texte grec, composé au IIIe siècle de notre ère, est un long récit de voyage en prose (plus de 80.000 mots), relatant les péripéties d’un philosophe pythagoricien accusé de sorcellerie sous l’empire romain. À partir de mon expérience personnelle en tant que traducteur littéraire, j’exposerai divers problèmes rencontrés tout au long de ce parcours, ainsi que les solutions que j’ai tâché d’y apporter – non sans en négliger les limites. Dans une perspective sociolittéraire, comment restituer dans la langue cible le style tantôt archaïsant, tantôt oralisant d’une œuvre composée dans un contexte de diglossie (atticisme versus koinè) ? Sur un plan poétique, quelle stratégie de traduction adopter lorsque l’auteur du texte cible joue avec sa propre langue (anacoluthes, néologismes, effets rythmiques, homéotéleutes, jeux de mot) ? Quelle ampleur donner aux notes de bas de page face à l’intraduisible (concepts spécifiques au grec ancien, intertextes, référents culturels), sachant que traduire une langue ancienne dans une langue moderne est par nature anachronique ?

Mylène Lacroix (CECILLE) : « Le sens multiple en traduction : le cas-limite du Sonnet 135 »

L’écriture poétique, par essence, est un langage multiple bien souvent qualifié d’intraduisible. « Peut-on traduire un poème ? Non », répond le poète Yves Bonnefoy. Déclarée impossible, la traduction de la poésie est pourtant désirable, et d’ailleurs très souvent pratiquée. Bonnefoy lui-même a traduit les Sonnets de Shakespeare, objets de la présente étude, pour lesquels on répertorie pas moins de soixante-dix traductions, dont une quarantaine sont intégrales. Naturellement, les réflexions traductologiques autour de la poésie, et en particulier des Sonnets, tendent à se concentrer sur des questions formelles : le choix de la métrique, le maintien ou non de la rime, la recherche du rythme, le rendu des sonorités. Mais la polysémie et les ambiguïtés du langage poétique sont également au centre des préoccupations des traducteurs, conscients du foisonnement et de l’infinie richesse du verbe shakespearien.

C’est un autre aspect du langage multiple des Sonnets que je souhaiterais aborder ici. Dans son ouvrage intitulé Shakespeare pornographe. Un théâtre à double fond, le traducteur Jean-Pierre Richard a brillamment démontré que Shakespeare « a cultivé systématiquement une double entente saturée d’obscénité, qui va bien au-delà de la trouvaille ponctuelle, dans le cadre d’une véritable stratégie dramaturgique de l’équivoque ». Toutes ses pièces reposeraient ainsi constamment sur un double discours émaillé de jeux de mots salaces et de double (voire triple) entendre. L’œuvre poétique de Shakespeare est elle aussi fondée sur une pornographie sous-jacente, plus ou moins latente, et il s’agira ici de montrer que les Sonnets n’échappent pas à cette stratification de sens permanente. Le sonnet 135, pour ne citer que lui, représente par exemple un véritable défi pour le traducteur dans la mesure où il repose entièrement sur l’équivoque et ne cesse de jouer sur le mot will/Will et ses différents sens (prénom masculin, mais aussi « volonté », « désir sexuel », ou encore « sexe masculin » ou « sexe féminin »), tour à tour et parfois même simultanément. À travers l’analyse de quelques sonnets et l’étude comparative de plusieurs de leurs traductions, il s’agira ainsi de mettre au jour le « substrat pornographique » de ces textes et d’examiner quelle part font les traducteurs aux différentes strates de sens du « millefeuille » qu’est le sonnet shakespearien.

Le calendrier du séminaire, complété au fur et à mesure, et les résumés des communications sont disponibles ici : https://stl.univ-lille.fr/recherche/seminaires/seminaire-trail.


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