Séminaire Axe 4 "Traduction et médiation"
Traduction & médiation SéminaireSéminaire Axe 4 "Traduction et médiation" 2022-23 : Parole et paroles de traducteur·ices.
Org. : Corinne Oster et Julie Loison-Charles
Cinquième séance du séminaire d’axe 4 ("Traduction et Médiation") du laboratoire CECILLE, qui aura lieu le vendredi 27 janvier 2023 de 14h à 15h30 - salle B1.619 Campus du Pont-de-Bois à Villeneuve D'Ascq.
Intervention de Johanne Le Ray, traductrice notamment de Stephen Crane et d'Edgar Allan Poe.
Retraduire les Tales d’Edgar Allan Poe.
Résumé:
Quoique familiers, voire canoniques pour tout américaniste qui se respecte, les Tales de Poe, abordés dans leur intégralité au fil d’une retraduction chronologique, ont réservé à notre duo de traducteurs bien des révélations. Dimension protéiforme, intertextualité massive, érudition revendiquée, entre curiosité pour les découvertes scientifiques de son temps et encyclopédisme de façade… de nombreuses caractéristiques de cette œuvre dérogent à la représentation que s’en fait le lectorat français, largement conditionnée par la traduction de Baudelaire, et dont nous nous croyions, parfois à tort, émancipés. Cette image s’est de fait constituée sur la base de trois recueils anthologiques qui sont de véritables artefacts éditoriaux confectionnés au prix d’une sélection qui laisse de côté environ un tiers des nouvelles, tri qui a permis à l’auteur français de se reconnaître dans l’œuvre de son aîné, en qui il a pu voir « un homme qui [lui] ressembl[ait] ». À la gémellité décrétée par Baudelaire, au couple fusionnel constitué unilatéralement par le traducteur avec son auteur, nous avons substitué, dans notre entreprise de retraduction intégrale en duo des Histoires, un autre type de couple, propre à mettre du jeu dans le tête-à-tête traditionnel de l’auteur et du traducteur et à renforcer, par le dialogue entre les traducteurs, une distance salutaire avec le texte, favorisée par l’écart temporel qui nous sépare de Poe. La dimension de « traduction au carré » induite par la retraduction en fait naturellement un geste critique. Notre ambition de traducteurs s’est rapidement attachée à refuser toute forme d’acclimatation et à tenter de restituer, par une attention scrupuleuse à la langue de Poe, tant au plan sémantique que syntaxique, l’étrangeté du texte. Conscientisation des processus et réflexivité accrues liées à la pratique de la retraduction sont ainsi entrées en résonnance avec la nécessité, dans le cas d’une traduction à deux, de formaliser, donc de clarifier et d’élucider dans le dialogue avec l’autre traducteur les choix envisagés. Les échanges informels que nous avons pu avoir au début de l’entreprise, souvent sur le mode de l’hypothèse ou de la proposition, ont donc cristallisé pour donner lieu à un appareil métatextuel relativement important, à usage interne comme à usage externe. C’est dans l’atelier de cette aventure commune que je vous propose de pénétrer à l’occasion de cette communication.
Biobiblio:
Johanne Le Ray a suivi jusqu’au Master 2 un double cursus universitaire à l’Université Paris 7, en Lettres modernes et en Littérature américaine. Agrégée de lettres, docteure en lettres, elle partage sa vie entre l’enseignement, la traduction et la recherche (spécialiste d’Aragon, elle s’intéresse aussi au cas des auteurs-traducteurs). Traductrice depuis 2006, elle a entre autres traduit du roman noir chez Rivages (Elmore Leonard, Jim Thompson), publié en co-traduction avec Pierre Bondil une retraduction intégrale des Histoires d’Edgar Poe, ainsi qu’une retraduction de The red badge of courage, de Stephen Crane, chez Gallmeister. Son rêve de traductrice ? Retraduire The Member of the wedding de Carson McCullers.
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